Bangui : Un survivant de 18 janvier 1978 relate sa nostalgie

Bangui, 18 janvier 2013 (RJDH) – La Centrafrique célèbre ce jour, la mémoire des élèves et étudiants tués le 18 Janvier et le 23 Avril 1978 par l’ex-empereur centrafricain, le défunt Jean Bedel Bokassa.35 ans après, l’un des survivants de ces affres journées, le professeur Gustave Bobossi Seregbe, médecin pédiatre à l’hôpital pédiatrique de Bangui parle de tous ces évènements, le contexte passé, leur vision de l’époque et l’implication socioculturelle dans la vie actuelle de la jeunesse centrafricaine, au RJDH.

« Notre mouvement de protestation était spontané. Nous avions décidé ce jour là de nous lever tous, élèves et étudiants, comme un seul homme. Moi, j’étais encore en classe de terminale D1 au Lycée B. Boganda. Ces évènements étaient déjà prévisibles mais seulement les autorités de l’époque n’y faisaient pas attention. Et donc nous avions bravé l’interdit en nous jetant tous dans la rue comme des milliers des lièvres contre un lion », a témoigné le Pr Gustave Bobossi Séréngbe.

« Un lion ne peut pas tuer et dévorer des milliers de lièvres », a-t-il ajouté. « A un moment donné, il va se lasser pour aller se reposer. C’est pour dire que quelque soit l’ampleur d’une atrocité, il va y avoir toujours des survivants dont j’en fais moi-même partie. Et aujourd’hui j’ai ce privilège d’authentifier l’histoire, comme un témoin oculaire », a dit Pr Bobossi Séréngbe .

« Aujourd’hui, la commémoration de la journée des martyrs symbolise la résistance contre la tyrannie, la résistance contre l’oppression des hommes politiques autoritaires. Cette journée a toujours été célébrée comme telle, dans toutes ses dimensions morales. Cependant depuis 2012, il y a une volonté de noyer la journée des martyrs dans la semaine culturelle de la jeunesse centrafricaine. C’est une tentative de faire effacer une partie de l’histoire de notre pays, celle du mal de l’empereur Bokassa sur le peuple centrafricain », a-t-il poursuivi.

Pour lui, certes la semaine de la jeunesse permet aux jeunes de Centrafrique de faire un bilan annuel de tous leurs acquis et espoirs et de donner les perspectives. C’est ce qui d’ailleurs est sorti comme le thème de l’édition de cette année : ‘’Jeunes debout pour un Centrafrique émergent.’’

« Il n’y a pas de différence entre le degré de la responsabilité des jeunes d’hier et d’aujourd’hui. Seulement, ce qui n’est pas le même c’est le contexte. Chaque génération, chaque jeunesse ou chaque mentalité évolue en fonction de son époque. Hier à notre époque, notre seule voie d’auto-détermination était des manifestations publiques dans les centres urbains. Mais maintenant, les jeunes se tournent beaucoup plus vers la rébellion armée. La même jeunesse qui est utilisée par le parti au pouvoir est également utilisée par les groupes rebelles si celle-ci se voit quelque part privée de son avenir ou de ses droits part une caste d’hommes politiques inamovibles et qui n’ont aucune notion de l’intérêt général », a-t-il insisté.

Le Pr Bobossi a fait allusion aux récents événements, qui ont vu la mobilisation des jeunes, à travers les marches, meeting et les débats dans la capitale pour protester contre la percée fulgurante des rebelles de la coalition Séléka. Ce qui d’ailleurs a encouragé la communauté internationale, principalement la CEEAC à voler au secours de la RCA. « A mon avis, c’est aussi une forme de résistance à l’agression », a dit le Pr Gustave Bobossi Seregbe.

« Depuis 20 ans, le Centrafrique, cendrillon de l’Afrique est un pays rude avec des conflits perpétuels. C’est un éternel recommencement d’un cycle de conflit, de dialogue et de réconciliation. Je ne serais pas fataliste pour voir dans la répression de 18 Janvier 1978 et la tentative de la marche de Séléka sur Bangui depuis le 10 Décembre 2012 jusqu’à la nomination du Premier ministre de la transition le 17 Janvier 2013 comme une malédiction sur notre pays. Je dirai plutôt que les mêmes causes produisent les mêmes effets. On peut tout prévoir et éviter à l’avenir », a-t-il conclu.

Les cérémonies de la semaine culturelle de la jeunesse, commémorant la journée des martyrs, programmées initialement pour le samedi 19 janvier au croisement des martyrs, a été reportée à une date ultérieure sur demande expresse du Président de la République, qui attend la mise en place d’un nouveau gouvernement.

Les martyrs du 18 janvier 1978 avaient manifesté contre le régime despotique de l’empereur Jean Bedel Bokassa, refusant par la même occasion le port de tenues scolaires imposé dans tous les écoles et lycées de la République centrafricaine à un moment où leurs parents enduraient des arriérés de salaires.

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